lundi 19 juin 2017

Les perdants (Une photo, quelques mots #79)

Grâce à une photo très bien choisie, mon blog renait à la vie.
Inspirée je suis, pour reprendre l'atelier du lundi!
Merci Leiloona chérie!
(ah oui, je suis en forme, je vous l'ai dit...)


Non mais qu'est-ce qu'ils foutent, c'est pas possible!
Hervé perdait patience. Il observa sa tête dans le rétroviseur. Allez, calme-toi, mon vieux...
Voilà bien trop de temps que ses amis étaient sortis de la voiture, sous le coup d'une envie pressante, le laissant seul à l'arrière.
Julien avait fait vite, se contentant de se planquer derrière l'un des platanes bordant cette route de campagne, sur laquelle ils roulaient depuis une trentaine de minutes.
Valentine, elle, s'était enfoncée dans le sous-bois sur la droite, à la recherche d'un coin tranquille (elle était très à l'aise avec eux, mais il y avait des limites), relevant de ses deux mains le bas de sa robe et posant ses pieds escarpinisés avec précaution dans l'herbe humide. Elle riait aux éclats et le cœur d'Hervé s'était serré. Qu'est-ce qu'elle était belle...
Déjà, il avait cru défaillir en la voyant sortir de chez elle. Lui qui la connaissait plus souvent en jeans basket qu'en robe de cérémonie, le souffle lui avait manqué. Ses cheveux blonds relevés dévoilaient son cou gracile, qu'il avait eu tout le loisir d'observer pendant tout le trajet, puisqu'elle avait pris place à l'avant, devant lui, et sa robe taille empire mettait sa poitrine généreuse en valeur.
Il n'avait pu que lui dire : "Tu es splendide."
Elle avait maugréé : "Mouais. Si on veut. C'est de la torture de masochiste, ces putain de chaussures!".
Valentine, quoi. Tout en délicatesse.
 
Hervé tourna la tête à droite, fouilla du regard le bois, au delà des fougères qui en barraient le passage, guettant le retour de Valentine. Et de Benjamin.
Benjamin qui avait galamment proposé d'accompagner Valentine, parce qu'on ne sait jamais ce qu'on peut rencontrer dans les bois. C'est cela, oui... Non mais il se prenait pour qui, lui? Il la connaissait depuis quelques mois seulement et il se comportait en... propriétaire. Voilà, c'était le mot. En propriétaire. Avec elle. Sa Valentine. Leur Valentine, à lui et à Julien. Et ça l'agaçait. C'est vrai, après tout, c'était qui, ce type? Qu'est-ce qu'on savait vraiment de lui?

Enfin, Hervé vit apparaître une silhouette dans le rétroviseur. Julien. Bon sang, c'était pas trop tôt!
- Qu'est-ce t'as foutu? Ils sont où, les autres?
Julien prit place à côté de lui.
- Occupés. Ils sont... occupés.
Hervé ne saisit pas tout de suite. Ce n'est que quand il vit la pâleur sur le visage de Julien qu'il comprit. Non. Non, impossible. Valentine ne ferait pas ça. Pas son genre, non. Et Benjamin devait bien se douter que Valentine, c'était chasse gardée. Pas touche. Pour eux trois. C'était la règle. Leur règle implicite, mais leur règle...
Un silence pesant s'installa entre les deux amis, un silence qui mettait entre eux une distance infinie dans cet espace si exigu. Un silence bientôt brisé par des rires étouffés et des pas bruissant dans les herbes hautes.
Benjamin et Valentine revenaient. Elle, toujours chancelante sur ses escarpins, comme un peu ivre, se tenait fermement à lui. Son chignon sophistiqué et impeccable quelques temps auparavant manquait maintenant curieusement d'équilibre. Lui, les yeux fiévreux, avait passé son bras autour de la taille frêle de Valentine. Sa cravate était dénouée, et les deux premiers boutons de sa chemise étaient ouverts.
Ils montèrent en voiture, lui au volant, elle sur le siège passager.
- Bon, c'est reparti, dit-il joyeusement en mettant le contact.
- On n'en a plus pour longtemps, ajouta Valentine. Ma mère va être ravie de vous revoir, les gars!
A l'arrière, Hervé et Julien ne répondirent pas. Ils se remémoraient encore comment, au remariage de la mère de Valentine, Benjamin, que la mariée ne connaissait pas, avait été invité.
Un jour, il était arrivé dans cette voiture de collection (une voiture de frimeur, avaient-ils pensé), et Valentine avait poussé des cris d'excitation. Elle serait parfaite en voiture balai!!
Et personne n'avait jamais su dire non à Valentine.


Ah que ça fait du bien de se remettre à écrire!!
Un bien fou.
En plus, j'ai retrouvé avec plaisir mon quatuor compliqué, pour la troisième fois. Benjamin, puis Julien, s'était confiés sur Valentine, respectivement sur les textes "Et pourtant..." et "Dans la brume".
Il me fallait Hervé, maintenant.
Peut-être qu'un de ces quatre, vous aurez droit à la version de Valentine. Peut-être...

Pour lire les autres textes de cet atelier qui fête ses six ans d'existence, c'est par ICI, sur Bric à Book, le blog de Leiloona.
 

4 commentaires:

  1. Ah mais que ça fait du bien de te lire ! et ton texte est génial j'aime beaucoup aussi ton petit poème de début et je veux bien le point de vue de Valentine, enfin bref je veux tout ! merci

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  2. Il y a souvent, dans tes textes, des hommes gravitant autour d'une femme fantasmée et convoitée. J'aime beaucoup

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  3. Super ton retour ! Bon je t'avoue que je ne me souviens plus des histoires précédentes, mais ce n'est pas Jules et Jim, mais bine un quatuor ! Wow ... Ah cette Valentine, je serais curieuse, tiens que tu la fasses parler en focalisation interne ... :)

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  4. Quel beau quatuor ! Dommage pour Hervé et Julien... J'adore le fait que tu utilises les différents points de vue des personnages... Tu pourrais presque en faire une histoire plus longue... Au plaisir de les retrouver !

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