lundi 12 janvier 2015

Un jour... (Une photo, quelques mots, 25e )

@Julien Ribot

Un jour, moi aussi je partirai. Comme tu l'as fait. 
Un jour, je briserai les chaînes, renverserai les barrières, escaladerai des montagnes.
Un jour, la ville où tu vis sera mienne aussi. 
Un jour, je te retrouverai. 
Un jour, je me battrai à tes côtés.

Ce matin-là, tu es partie sans bruit. Tu avais tout planifié, et je n'ai rien vu, rien deviné. 
Ce matin-là, il ne me restait que ton odeur au creux des draps, le souvenir de ton corps contre le mien, et une lettre posée sur l'oreiller. 

Tu y expliquais ton départ comme une nécessité. Tu disais que d'ici, on ne pouvait rien faire. Il te fallait une vraie tribune dans laquelle t'exprimer, informer, dénoncer, défendre tes idées... Tu rêvais de cette ville dont nous parlions tant, de sa richesse culturelle, de sa modernité, une ville dans laquelle tout est possible. "Je pourrai tout dire!", écrivais-tu. Et ce point qui (ex)clamait ton enthousiasme était pour moi comme une flèche en plein cœur.
Et moi, dans tout ça? Quelques mots maladroits, seulement (toi qui les manies si bien!), quelques mots d'excuses, même pas d'amour. Tu aurais pu mieux faire. 

La nuit tombe. Je contemple la ville, ta ville. L'écho de l'agitation nocturne murmure à mon oreille et je pense à toi. 
Ma main frôle le cadenas que j'ai accroché le soir de ton départ, symbole de la promesse que je me suis faite, que je t'ai faite : celle de te rejoindre vite, celle de mener à tes côtés l'éternel combat pour la liberté. 

Hier, tu m'as appelé. La chaleur de ta voix s'est insinuée dans tout mon corps. Tu m'as parlé longtemps de ta vie citadine, de ton travail dans ce journal, du bonheur de pouvoir t'exprimer, de débattre avec les autres, de la nécessité de publier sur tous les sujets.
Tu m'a dit "Viens, tant qu'on peut encore le faire...". Mon sang s'est glacé. D'un coup j'ai eu peur.
Je pars ce soir.


Difficile de trouver les bons mots, cette semaine. Mais je me devais d'écrire. Merci encore Leiloona pour cet atelier tellement important.

20 commentaires:

  1. c'est un texte très émouvant et qui résonne

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  2. Joli texte sur le pouvoir des mots, sur la nécessité d'exprimer ;)

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    1. Merci ma Stéphie. Je ne savais pas trop comment m'y prendre, c'était très difficile.

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  3. Bravo d'avoir su en parler par la fiction, une belle défense de nécessité à protéger notre liberté d’expression.

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    1. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour évoquer cela. Je n'aurais pas su le faire autrement.

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  4. une histoire émouvante-
    merci pour ce partage-bonne semaine- amitiés

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  5. Que d'émotion dans tes mots... c'est très fort ce que tu écris

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    1. Merci. J'ai eu beaucoup de mal, mais je voulais écrire absolument.

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  6. Ils ont laissé aussi des proches derrière eux, des gens qui les connaissaient pour ce qu'ils étaient, plutôt que pour ce qu'ils faisaient.

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    1. Oui, c'est à ceux-là que je pense, maintenant. Et c'est l'idée qui m'est venue.

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  7. Texte fort, bien écrit et très émouvant. Un beau moment. merci Sarah

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  8. Joli texte, des images bien senties, et une morale qui pourrait être, faisons le, tant qu'on le peut! N'attendons pas de regretter! Bravo.

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    1. Merci Ludo!
      Et pour la morale, oui, c'est tout à fait ça.

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  9. tu me crois si moi aussi j'ai eu peur...je me suis tellement identifiée à cette femme, bravo Sarah, j'aime beaucoup ta plume.

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    1. Merci Laurie.
      A chaque fois que tu me dis que ce que j'écris te plait, ça me touche encore davantage.

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  10. Un texte très touchant en effet. Merci.

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