lundi 6 avril 2015

Changement de direction


 @Leiloona

Ma main tapote mon verre dans un geste nerveux. Je crois que je vais pleurer. 
L'homme assis en face de moi, mon meilleur ami, s'en va. Il part s'installer de l'autre côté de l'océan, sur un autre continent. Il se sépare de moi et ça m'arrache le cœur. 
Je le sais, ça fait des semaines qu'il me l'a dit. 
J'ai eu le temps de m'y faire, de m'y résigner, de me réjouir pour lui... mais je ne l'ai pas fait. 
J'ai laissé le temps défiler, comme cette roue qui tourne sur elle-même, inlassablement, découvrant le même horizon, toujours. 
 Arnaud me tend ses clés d'appart pour que je prenne soin de ses plantes en son absence. C'est la douche froide... ça y est, on y est.
- Tu as l'air nerveuse, ça va? demande Arnaud, que mon silence inhabituel semble inquiéter. 
- Oui... ça va. C'est juste que je réalise que dans quelques heures tu seras dans l'avion, et rien que l'idée de ne plus voir ta tête tous les jours... 
- Bien sûr que si, on se verra, je n'ai pas passé tout ce temps à t'expliquer comment fonctionne Skype pour rien! 
Je ne peux m'empêcher de sourire, même tristement. 
- Allez, fais pas cette tête, je t'enverrai plein de mails longs comme le bras, t'en auras même marre de les lire. 
Alors, ça, ça ne risque pas d'arriver. Ne plus pouvoir le voir, le toucher, l'observer à la dérobée, l'embrasser, même, je ne sais pas comment je vais gérer, alors ses mails, ce sera ma bouffée d'oxygène, ma dose de droguée, droguée de lui, sans désintox possible. 

- Laura, qu'est-ce qui ne va pas? Tu es toute tendue... 
- C'est déjà pas assez que tu partes, hein... T'as décidé d'être chiant jusqu'au bout.... Tu veux vraiment savoir?... ok... Je t'aime Arnaud. Je t'aime comme quand j'avais treize ans, et que je pensais qu'un jour, le beau gosse champion d'escrime de la 3e B se retournerait sur la gamine maigrichonne de 5e A que j'étais, et qu'il lui demanderait de sortir avec elle. Je t'aime à tel point que je dois me freiner pour ne pas me précipiter sur le téléphone chaque fois que tu appelles. Tu me manques quand tu n'es pas là, je suis en manque quand je ne te vois pas de deux jours. Alors, là, tu pars à New York, et tu voudrais que je sois zen? 
- Regarde-moi... 
- Tais-toi. J'ai le cœur qui tremble en face de toi. Je rêve de toi toutes les nuits, je respire ton parfum sur l'écharpe que tu as oubliée chez moi et que je ne t'ai jamais rendue. Je me trouve pathétique. Je croyais que toi et moi, ça durerait toujours, que tu serais comme cette roue, toujours là... que mon univers tournerait toujours autour de toi, comme la roue, quoi... Je voulais prendre soin de toi, de nous. Mais toi, tu t'en vas et tu fiches tout par terre. 
- Lève-toi. On va chez toi. Tu mets quelques affaires dans une valise et on file à l'aéroport. 
- Mais... et tes plantes? 
- On s'en fout des plantes. Qu'elles crèvent. 




35e participation encore bien tardive à l'atelier de Leiloona, mais quand même le jour J! 

4 commentaires:

  1. Comme quoi, ce départ est une bénédiction pour elle finalement !!

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  2. Beau comme un rêve, la vie est si simple après tout !

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    1. "beau comme un rêve", merci, c'est très gentil!
      Il suffit parfois juste de se lancer, c'est vrai.

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