lundi 14 novembre 2016

Welcome (Une photo, quelques mots # 72)

                                  
                                                                           © Leiloona
 
- Maman, c'est lequel le nôtre?
- Je ne sais pas, mon grand, il faut regarder le numéro.
- Moi je veux le jaune, il est trop beau!
- C'est carrément glauque, ouais...
- Lisa, s'il te plait...
Marianne soupira.
Elle était épuisée du voyage, et la barrière de la langue lui causait plus de difficultés que prévu. Si, dès le lendemain, elle serait de nouveau amenée à pratiquer la langue française, aujourd'hui, le trajet, les commandes de repas dans l'avion, la récupération de leurs bagages et la négociation avec le chauffeur de taxi lui montraient les limites de son anglais.
Alors si, en plus, Lisa s'y mettait... L'adolescente qui lui tenait lieu de fille n'avait pas cessé de se montrer désagréable. Certes, elle avait très mal pris l'annonce de ce déménagement, mais depuis deux mois, elle avait eu tout le temps de s'y faire. Visiblement, non.
- Et toi, maman, c'est lequel, que tu préfères?
Tom regardait les bâtiments avec les yeux émerveillés d'un gosse de sept ans. Changer de vie ne l'avait pas chamboulé plus que ça. Il encaissait, acquiesçait, et, s'il était inquiet, ne le montrait jamais. C'est bien ce qui angoissait Marianne.
 
En peu de temps, elle leur avait imposé, à tous les deux, un tournant radical. La vente de la maison, l'installation provisoire chez leurs grands-parents, et puis, soudain, cette proposition de travail à Londres...
Marianne avait d'abord refusé. Puis elle s'était dit que changer d'air leur serait bénéfique. Mais c'était une telle folie... une de ces idées fantasques que seul Paul aurait pu avoir. C'était lui qui mettait du piment dans leur vie, lui dont le grain de fantaisie égayait la maison.
Sans lui, leur existence paraissait terne. A l'image du visage de Lisa, qui s'éteignait de plus en plus. Depuis l'accident de moto de son père, Lisa ne vivait plus.
Marianne regarda sa fille, le cœur serré. Elle portait un jean délavé, un t-shirt noir sur lequel le portrait du chanteur d'un groupe de métal, dont elle avait oublié le nom, s'égosillait. Au poignet, la montre de Paul. Et le bracelet-pass du dernier festival de rock où il l'avait emmenée. Rouge, le bracelet.
Alors Marianne trancha :
- C'est le rouge, que j'aime.
Et, comme un fait exprès, deux personnes attendaient devant ce bâtiment. Sûrement les agents immobiliers. Marianne y vit un signe, tout se passerait bien désormais.  
Et elle remercia silencieusement Paul de veiller sur eux, de là où il était.

8 commentaires:

  1. Je suis sûre que cette belle maison rouge va leur porter bonheur dans leur nouveau départ.

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  2. une chute inattendue et bien menée! bravo ! Nady

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  3. Bonjour Sarah !...ça fait plaisir de te voir de retour dans l'atelier !Cet atelier un peu victime de ce succès qui rend presque impossible la lecture et les commentaires de tous les textes !!!!..Mais j'ai vu ton nom et ça me réjouit de retrouver ton style calme et limpide au service de cette histoire certes triste, mais pleine de l'espoir d'un renouveau....Parfois il faut tout laisser pour construire d'autres souvenirs....Ce qui ne veut pas dire qu'on oubliera les précédents.....

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    1. Merci Bénédicte! Je suis ravie de revenir dans cet atelier. Je suis touchée qu'en voyant mon nom tu aies eu envie de venir me lire. Oui, parfois il faut savoir tout reconstruire. Bises

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  4. Je ne m'attendais pas à cette chute ... Beau texte, mélancolique ... et ...
    Je t'embrasse, ma belle.

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