lundi 28 février 2011

De la pluie, Martin Page

"La pluie est le mot de passe de ceux qui ont le goût pour une certaine suspension du monde. Dire que l'on aime la pluie, c'est affirmer une différence."

"La pluie est une fuite venant de l'appartement de la voisine du dessus. [...] Cette fuite est le prétexte idéal pour aller frapper à sa porte. [...] Ce n'est qu'en recevant des trucs sur le crâne (de l'eau, des tragédies, des chagrins d'amour...) que l'homme fait des rencontres, se pose des questions et cherche à résoudre des problèmes."

"La pluie porte en elle les gênes de l'enfance. Nous nous aspergions avec un jet, sautions dans les flaques et organisions des batailles d'eau. Bien sûr, car il parait que nous sommes adultes, nous jouons les agacés, quand, feignant une maladresse, nous frappons du pied dans une rigole. En vérité, les éclaboussures nous enchantent; tant pis pour le pantalon et les chaussettes. L'enfance tombe du ciel ; en secret, nous nous autorisons à être des souillons."


Celles et ceux qui lisent ce blog régulièrement savent que je suis devenue une inconditionnelle de Martin Page, auteur, entres autres, de Comment je suis devenu stupide et Une parfaite journée parfaite.
Lors de ma dernière virée dans ma librairie, je suis tombée sur ça :




L'histoire : y en a-t-il vraiment une? Ce petit traité parle de la pluie... ben oui. Martin Page nous vante les mérites de la pluie, et loue son rôle dans nombre de domaines, excepté celui de la météo! Série de petites chroniques sympathiques et fraîches (sans jeu de mots), ce petit bouquin se dévore d'une traite.

Mon avis : je me suis régalée! En toute objectivité! Si, si, je vous jure! Ne cherchez pas du Martin Page à la sauce suicide, comme il en a l'habitude, ici, point de comparaison possible. Le ton employé est radicalement plus léger, plus joyeux. Avec un tel sujet, pourtant, ce n'était pas gagné.
Et pourtant, d'anecdotes personnelles en remarques scientifiques ou historiques (vraisemblables à défaut d'être véridiques), on se prend à partager l'amour de l'auteur pour les précipitations.
Tour à tour érotique, violente, sensuelle et même économique, la pluie est indispensable. Au fil des pages, l'auteur vous invite à (re)découvrir ses pouvoirs. Le tout écrit d'une plume parfaite, poétique, fine et délicate... comme une pluie d'été qui rafraîchit l'atmosphère.
Ainsi, quand vous saurez que la pluie est à la source des écrits les plus célèbres de Shakespeare, à Londres ou à Stratford-upon Avon, de Flaubert ou Proust, en Normandie, que, même si on la maudit, la pluie est le spermatozoïde de la terre fertilisée, qu'elle favorise les rencontres, vous n'aurez plus d'objections. Martin Page vous aura totalement converti, et vous n'aurez plus qu'une chose à faire : scruter le ciel et guetter les nuages...


"Souvent j'ai marché dans les rues de Paris en espérant que la pression de mon talon déclencherait le mécanisme de la pluie. Je suis certain qu'il existe des boutons secrets provoquant le tir des nuages : le coin d'une plaque d'égout, un bord de trottoir, l'intersection de deux pavés... Sans doute, comme une combinaison de coffre-fort, un enchaînement de pas est nécessaire. Je pense à cette scène de Singin' in the rain, où Gene Kelly, amoureux, danse sur le trottoir. Il avait trouvé le truc."

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