@Julien Ribot
- "Steph', viens boire un coup, tu as bien mérité une pause".
Stéphane regarda Emma et sentit les battements de son cœur s'accélérer.
Dans sa salopette rouge maculée de tâches de peinture, les cheveux grisonnants de plâtre, elle lui tendait un verre de limonade et son plus beau sourire. Il la trouva juste magnifique.
Cette vision valait tous les efforts du monde.
Le bruit des débroussailleuses qui déblayaient le jardin s'était arrêté. Tout à sa concentration, il n'avait rien entendu. Tous les "ouvriers" du dimanche prenait une pause. Lui s'abrutissait dans le travail.
Ils l'avaient fait. Malgré les avis partagés de leurs proches, les conseils de professionnels, la réticence des premiers jours, ils avaient sauté le pas : Emma et David avaient acheté cette vieille maison dont ils ne cessaient depuis de lui rebattre les oreilles.
Evidemment, Stéphane avait été un des premiers informés. Sa qualité de meilleur ami du couple et surtout d'entrepreneur dans le bâtiment avait fait de lui le maître d'oeuvre du chantier.
En résumé, Emma et David remettaient leur bonheur à venir entre ses mains.
Il avait multiplié les visites, le plus souvent avec Emma, pour mesurer, vérifier l’étanchéité, penser le réaménagement des pièces. Emma suggérait, donnait son avis, et lui acquiesçait. Bien sûr que c'était possible...Il s'arrangerait. Il aurait décroché la lune pour elle.
Elle buvait ses paroles et il adorait ça. Ces moments volés, rien que tous les deux, il ne les aurait échangés pour rien au monde. Pendant quelques heures il se permettait de rêver que les plans qu'il projetait dans cette maison n'étaient pas pour David mais pour lui, que cette vie qu'il inventait était la sienne, la sienne et celle d'Emma.
Les travaux avaient débuté cinq jours auparavant. Toute la semaine, Stéphane avait travaillé avec ses employés, et il avait réussi à donner le change. C'était un chantier comme les autres. C'est tout.
Le week-end aidant, les amis du couple s'étaient réunis pour donner un coup de main. L'ambiance était bon enfant, les participants œuvrant selon leurs compétences, plus ou moins efficaces...
Tous ces fous-rires, ces blagues et cette bonne humeur lui devenaient insupportables. David enlaçait Emma dès qu'il le pouvait, ne cessait de le remercier, et il était même allé jusqu'à promettre de le désigner parrain de leur premier enfant.
- "Tout va bien?" lui demanda Emma.
Le sourcils froncés, elle paraissait vraiment inquiète.
Le cœur de Stéphane se serra. Il se força à lui sourire.
- "Oui, ça va. Juste un peu fatigué.
- M'en parle pas. Je n'ai pas fermé l’œil depuis une semaine."
Ce n'est qu'à ce moment qu'il vit ses yeux cernés, son teint pâle et ses traits tirés.
Elle ne semblait pas respirer le bonheur.
L'esprit de Stéphane s'emballa : se pouvait-il qu'elle regrette cet achat? qu'elle n'envisage plus sa vie dans ce trou paumé? ni même avec David?
C'était ridicule! Il fallait qu'il se raisonne.
Il avança sa main pour saisir le verre qu'Emma lui tendait. Lorsque ses doigts effleurèrent le poignet de la jeune femme, ce contact les électrisa. Surprise, Emma lâcha le verre.
Alors qu'elle se penchait pour ramasser les débris, Stéphane la prit par les épaules, l'obligeant à le regarder.
Il ne put s'empêcher de replacer une longue mèche de cheveux derrière ses oreilles parfaitement dessinées. Il murmura, dans un souffle :
- "Emma... es-tu heureuse?"
Elle baissa les yeux et ne répondit pas.
Si cette photo inspire à Leiloona des trucs un peu glauques, elle m'a inspiré une suite logique à la photo d'il y a quinze jours.
Comme quoi...