lundi 26 janvier 2015

Comment lui dire? (Une photo, quelques mots, 27e)

    © Julien Ribot

Elle part demain. Il faut que ces trois mots sortent de sa tête, sinon il va devenir fou. La semaine a filé trop vite, et pourtant il a savouré chaque seconde passée avec elle.
Les diners avec Paul et Myriam : comme deux couples, les allusions douteuses de son frère qui la faisaient rougir ... Cette façon qu'elle avait de tenir Célia dans ses bras, c'était si attendrissant. C'est pas humain d'être aussi belle.
La soirée baby-sitting pour que les parents sortent en amoureux : tout en jouant avec Célia, il l'avait écoutée contester son choix du film qu'ils regarderaient une fois la petite couchée, et argumenter pour imposer le sien. Imposer, non. Il voulait tellement la voir sourire, qu'il avait cédé de bon cœur. Finalement, Servane s'était endormie contre lui. En la regardant, il s'était laissé envahir par cette chaleur qui lui donnait envie de la caresser, de la déshabiller, de s'enivrer de son parfum... tu oublies la sensation qu'une certaine partie de ton anatomie se sentait subitement plus à l'étroit dans ton pantalon...
Il en avait été quitte pour endurer cette douce torture sans bouger, par peur de la réveiller.

Lui qui enchainait les conquêtes sans jamais faire preuve d'attention particulière envers une femme, il avait eu du mal à comprendre ce qui lui arrivait.  Avec Servane, il se sentait l'âme d'un preux chevalier. Il avait tout le temps envie de prendre sa défense, de la protéger... comme au magasin de fringues face à cette bonne femme qui n'avait pas réfléchi trois secondes à ce qu'elle disait! Il avait réagi par l'humour, son moyen de défense habituel. Et il n'avait plus voulu lâcher sa main.
"-T'es amoureux, mon vieux", avait dit Paul.
Alors ça faisait donc cet effet-là? 
Et il devait bien se rendre à l'évidence : son frère avait raison.

Il avait demandé à Servane quel était son quartier préféré dans Paris. Elle avait répondu Saint Michel, les boutiques de livres d'occasion, le Starbucks et son Caramel Macchiato auquel elle ne résistait pas... ah tiens, c'est une info à retenir, ça. A l'évocation du quartier qu'elle avait quitté quelques années auparavant, son visage s'était animé. Cela lui allait bien. Il l'avait contemplée, la trouvant encore plus désirable.
"- Et Notre-Dame! Tellement majestueuse à l'extérieur mais si humble quand on y entre".
Il avait ri lorsqu'elle avait avoué qu'elle s'attendait à apercevoir Quasimodo planqué derrière une colonne... Cela promet une overdose de Disney quand Célia sera plus grande. Elle rêvait de monter tout en haut, dire bonjour aux gargouilles. mais ne l'avait jamais fait.

C'est tout naturellement là qu'il lui a donné rendez-vous. Plus que quelques mètres. Pris de panique, il s'arrête. Et si elle ne vient pas? Il faut qu'il se reprenne, qu'il retrouve ses esprits. Comment lui dire tout l'amour qu'il a pour elle? Qu'il a l'impression de l'avoir attendue toute sa vie?
"Servane, voilà, je voulais te dire... " Non, ça, ça fait ado maladroit qui demande à sa voisine de classe si elle veut sortir avec lui.
"Ecoute, ça va te paraitre étrange, mais n'aie pas peur de ce que je vais te dire". Encore moins, ça fait psychopathe sur le point de lui tordre le cou.
C'était le meilleur moyen de la faire fuir.
En soupirant, il pose une main sur un arbre, pour se donner une contenance. Il sent les griffures de l'écorce contre sa paume. Il observe les cœurs. Il lui prend l'envie de graver leurs initiales... T'es complètement atteint, mon pauvre. T'as quel âge? Onze ans? Et puis Servane est sûrement plus du genre cadenas sur le pont des Arts.

Il se rend compte qu'il a parlé tout haut. La rue est déserte, comme si le temps s'était arrêté. Sans Servane, cela lui fera le même effet. Il ne peut pas la laisser partir et mettre 600 kilomètres entre eux. Même ces quelques mètres, c'est déjà trop. Allez, mon vieux, ne reste pas planté là...

Il reprend sa marche, franchit le pont d'un pas rapide. Il la cherche déjà des yeux. Une silhouette familière, sur sa gauche, contemple l'imposant bâtiment. Adrien court vers elle, hésite un instant. Il voudrait parler mais rien ne vient. Alors il prend son visage dans ses mains, et doucement, emprisonne ses lèvres sur les siennes.
Comme pour reprendre son souffle, Servane a entr'ouvert les lèvres. L'invitation est trop tentante pour Adrien, qui, perdant toute lucidité, se fait plus pressant, son baiser plus passionné. Sans qu'il s'y attende, elle abandonne toute résistance. Son corps se colle au sien. Elle entoure sa taille de ses bras, et lui rend enfin son baiser, le faisant frissonner de désir.

A regret, Adrien se détache d'elle, pour mieux la couvrir de baisers. Il descend jusqu'à son cou, car elle a niché sa tête au creux de son épaule.
Il murmure :
- "Servane... ne pars pas, ma douce, reste... avec moi". 
Ah bravo! Envolés, le beau discours et l'à propos légendaire! Quel piteux orateur...
Lentement, Servane se redresse et lève le visage vers lui. Ses yeux verts semblent plus grands, leur éclat doré plus brillant.

Elle pleure. Merde. C'est pas bon signe si elle pleure...


 
Sur l'insistance de Stéphie et de Anne-Véronique (elles m'ont mis une de ces pressions, je ne vous raconte pas!), je poursuis les aventures de Servane et Adrien pour cette 27e participation à l'atelier de Leiloona.
Et grâce à (à cause de?) mon titre, j'ai du France Gall dans la tête... n'importe quoi. 
Bon, évidemment, si ça vous saoule, vous pouvez ne pas lire. 
Je promets de chercher d'autres sources d'inspiration, même si m'est avis que je n'en ai pas à encore fini avec eux deux.

24 commentaires:

  1. ah pas question de s'arrêter en si bon chemin! je vais dès aujourd'hui me joindre à celles qui réclament la suite :-)

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  2. Voilà le fan club se crée :) J'adore !!! Tu n'imagines pas à quel point !

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  3. Ce soir je ne dors pas comme la toute toute première fois que tu me serrais dans tes bras.....
    "SOUPIRE" Tu maitrises de mieux en mieux l'art du suspens... le baiser était parfait.... tout était parfait. Re "SOUPIRE" Elle ne peut pas partir. Impossible...

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    1. Rah la la, j'y ai pensé à cette chanson-là, aussi! Comme à "Ma déclaration".
      Merci pour tous ces compliments.
      Et très honnêtement... je ne sais pas si je la fais partir ou pas.

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  4. Ton texte m'a fait sourire plusieurs fois, j'en ai aimé le rythme et le style.
    Ah, ces hommes, lorsqu'ils découvrent l'amour, sont si attendrissants... ^_^

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    1. Merci Olivia!
      Carrément... ces mecs, alors! Après on dira que les nanas sont des midinettes.

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  5. j'aime les apartés... et surtout n'en fini pas avec tes 2 héros...un plaisir que de les suivre !

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  6. J'aime bien le rythme et le style. On est attendrissants pas spécialement quand on découvre. On peut l'être tout le temps.

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    1. Merci. Oui, c'est vrai, mon portrait de l'homme amoureux est peut-être un brin exagéré.

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  7. eh bien je n'ai pas lu les épisodes précédents mais j'ai bien envie de savoir la suite quand même :)

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    1. Merci!
      Si tu veux lire les épisodes précédents, tu les retrouveras dans la rubrique 'Une photo, quelques mots", ça commence par "Une si petite flamme", puis tu as "Le chemin des possibles", "Improvisation" et "Fashion victim".

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  8. C'est au contraire une très belle histoire, très romantique. Il y a beaucoup de douceur.

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  9. Ce serait dommage de ne pas avoir écrit cette suite. Et bien sûr qu'on veut la suite de leurs aventures !

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  10. Je veux la suite, allez, allez, allez ! :D

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  11. Oui, super !!! moi ussi je veux la suite ! j'adore, et j'ai l'impression de te voir dans cette histoire. Servane te ressemble !

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  12. Merci Marie! C'est vrai, un (petit) peu de moi se retrouve dans Servane.
    Quant à la suite, ben euh... j'y réfléchis!

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