@Julien Ribot
- Tu fermes bien les yeux?
Cinq petits mots magiques qui signifiaient pour moi le début du spectacle.
J'obéissais, à la fois terrifiée à l'idée de ce que mes yeux subiraient si je les ouvrais et dévorée par la curiosité du mystère qui s'exécutait et dont je ne percevais que le grésillement intermittent.
Postée sur l'une des marches de l'escalier, le menton calé contre le barreau central de la rampe, j'observais, fascinée : mon père à l’œuvre dans son antre, son établi aménagé dans le sous-sol.
J'aimais tout. Sa concentration, son ardeur à l'ouvrage, les gerbes d'étincelles et l'odeur âcre du métal soudé, celle de la poussière du béton, aussi.
Quelle fierté quand je pouvais l'aider! Je lui faisais passer ses outils. D'abord la lime plate, pour polir la soudure, puis la ronde, pour que plus aucune aspérité ne permette de distinguer au toucher l'endroit où le point de soudure avait été appliqué. Minutieux dans l'exécution, perfectionniste dans les finitions, tel était celui que je voyais travailler. Mon doigt venait de temps en temps glisser sur la ferraille encore tiède, comme pour vérifier que tout était bien lisse.
Nous étions alors si absorbés que nous n'entendions plus rien, pas même la radio branchée en permanence, et dont l'enceinte (bien planquée dans le plus gros juniperus du jardin), crachait de vieux tubes ou les infos locales. Il fallait bien le troisième "à table!" de ma mère, pour que l'un de nous deux se fende d'un "on arrive" plus ou moins mensonger.
Tout m'est revenu à l'esprit en ouvrant la porte du garage. J'ai la clé. Mes parents se sont absentés, la voiture n'est pas là. Rien n'a bougé et pourtant je devine, en identifiant les outils posés sur l'établi, qu'il a de nouveau un projet en cours.
Aujourd'hui encore je me souviens de tout. Même de la rédaction que j'avais écrite au collège pour évoquer mon père et son univers. Des bribes de phrases rédigées traversent ma mémoire. Mais la note obtenue, elle, je l'ai oubliée.
37e participation à l'atelier de Leiloona, après quinze jours d'absence. J'ai vraiment hâte de lire les autres textes sur cette photo que je trouve sublime.
J'aime beaucoup quand les souvenirs ressurgissent ainsi. Très joli texte ma douce
RépondreSupprimerMerci ma Stéphie.
SupprimerQuelle tendresse dans ton texte. Belle nostaglie, fierté du père. L'image est forte. Magnifique. merci pour ce partage...
RépondreSupprimerMerci Anne-Véronique.
SupprimerLe plus fort c'est mon père, comme dirait Linda Lemay.
Quelle belle déclaration d'amour d'une petite fille pour son père, magicien qui transforme la matière brute en véritables créations !
RépondreSupprimerEt tu n'as pas vu les créations en question!
SupprimerJ'avais envie de lui rendre cet hommage.
comme les yeux d'une petite fille brillent quand elle parle de son père !
RépondreSupprimerLe plus fort c'est mon père, comme dirait Linda Lemay.
SupprimerMerci Josette T pour ton message.
Les yeux innocents et admiratifs de l'enfant sur le travail de son père, je me retrouve parfaitement dans ton texte ! J'aimais regarder travailler ou bricoler mon père, cela me semblai merveilleux. Merci !
RépondreSupprimerJe suis ravie de faire revivre tes souvenirs aussi.
SupprimerJe suis toujours, même à 35 ans, aussi admirative de son travail.
Un très beau texte rempli de nostalgie :)
RépondreSupprimerMerci beaucoup!
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