lundi 15 juin 2015

Cendrillon in blue (Une photo, quelques mots, #42e)

@Kot

- Bien. Je vais le répéter une dernière fois. A qui appartiennent ces chaussures?
Silence pesant parmi les quatre individus qui lui faisaient face. 
Le commissaire Pradel s'impatientait. 
Il soupira bruyamment et tenta de se dégourdir les jambes. Trente heures sans dormir, et son corps le lui faisait sentir.

Il avait tiré du lit les cinq - seulement quatre, en fait -  occupants de cette colocation, déterminé à comprendre ce que faisait Anna Duval, une jeune thésarde de 27 ans, dans ce quartier populaire du XXe arrondissement, alors qu'elle était censée travailler toute la soirée avec une amie, à l'autre bout de Paris. 

C'est l'amie qui avait donné l'alerte, la veille. Ne voyant pas Anna arriver et ne parvenant pas à la joindre, Cécile Bolier était rentrée chez elle. Le lendemain matin, elle s'était présentée au commissariat. On lui avait gentiment répondu, avec toute la diplomatie requise, que Mlle Duval était majeure et vaccinée et que rien dans cette histoire ne relevait de la disparition inquiétante. 
Têtue, Cécile était revenue le soir, affirmant être passée chez Anna, que le gardien de son immeuble n'avait pas vue depuis la veille, alors même qu'elle partait la retrouver.  

Jérôme Pradel, la quarantaine élégante, dont le regard perçant profilait instantanément quiconque s'adressait à lui, même sa boulangère, avait reçu Cécile, l'avait écoutée et s'était dit que l'inquiétude la rendait très jolie. 
Il avait passé au peigne fin l'emploi du temps d'Anna Duval, ce qui n'était pas une tâche très ardue, au vu de la monotonie du quotidien de la jeune femme. Il s'était rendu chez elle, en compagnie de Cécile, qui avait ses clés. De là, il avait ordonné le relevé de ses appels et le suivi des opérations de sa carte bleue. 
C'est grâce à cela qu'il avait découvert qu'Anna, au lieu de rejoindre Cécile, avait payé un taxi qui l'avait conduite ici même, dans l'immeuble qu'il venait de boucler. 
Se pouvait-il que ces chaussures soient les siennes? Etrange, ça ne collait pas du tout au profil. Anna était plutôt tailleur strict et jupe au dessous du genou, pas escarpins pour séductrice de fin de soirée... 

Il observa de nouveau les quatre colocataires. Quelque chose clochait. Sûr. Mais quoi?
Une étudiante en droit de 22 ans, un commercial de 38 ans toujours en déplacements, un quadra qui vivait de petits boulots et un ingé son en intérim, voilà qui était atypique. Pradel ne s'en formalisait pas. Après tout, nombreux étaient les habitants de Paris n'ayant pas les moyens de se payer un appart' seuls. 
Pour ne pas laisser la pression retomber, il tenta une autre question : 
- Marc Jamil, le 5e nom sur votre boite aux lettres, il est où? 
Un ronronnement sourd l'interrompit. Le portable de Florent Nevers, le commercial, vibrait dans sa poche. 
- Etéignez-moi ça, bon sang! 
Nevers obéit. Il eut tout de même le temps de lire le sms reçu. De Marc. 

"Bordel, mais c'est quoi ce délire? je me démerde à me débarrasser du corps, et vous n'êtes pas foutu de balancer une paire de godasses?" 


42e participation à l'atelier de Leil, "Une photo, quelques mots". 
J'ai adoré cette photo, même si au début, elle m'a fait penser à ça : 

 

10 commentaires:

  1. Ton texte est trop court! J'ai complètement accroché et j'en voulais plus!

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    1. Merci Amandine!!
      Trop court je ne sais pas trop, j'ai coupé des passages en plus.

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  2. Brr ! J'en ai des frissons ! Excellente nouvelle.

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  3. Texte bien ficelé et la fin est un régal !

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  4. Ah ah et Derek aurait pu venir prêter main forte ! :D

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    1. Pourquoi crois-tu que j'ai écrit le scénario d'une enquête? Hein? Voyons...

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  5. Réponses
    1. Ouais, la pauvre!
      Je n'ai d'ailleurs aucune idée de ce qui a pu lui arriver. Etrange que je ne me sois pas penchée là-dessus.

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