lundi 11 octobre 2010

Au bonheur des dames, Emile Zola

"Et Mouret regardait toujours son peuple de femmes [...]. On commençait à sortir, le saccage des étoffes jonchait les comptoirs [...]; tandis que la clientèle, dépouillée, violée, s'en allait, à moitié défaite, avec la volupté assouvie et la sourde honte d'un désir contenté au fond d'un hôtel louche."

"S'il avait fermé ses portes, il y aurait eu un soulèvement sur le pavé, le cri éperdu des dévotes auxquelles on supprimerait le confessionnal et l'autel."


Point d'article ce soir sur le joli blog éponyme de ma chouette copine Lolli, non, non, non, même si elle le mériterait!
Un retour aux classiques, donc, pour une seconde "récré de boulot", avec l'incontournable :



L'histoire : Denise Baudu est une jeune provinciale qui débarque à Paris avec l'espoir de trouver une place de vendeuse dans l'un des grands magasins qui y poussent comme des champignons. Dès son arrivée, elle tombe nez-à-nez avec l'imposant Bonheur des dames, magasin gigantesque tenu par l'impressionnant Octave Mouret.
Denise obtient sa place mais les débuts sont difficiles : les autres vendeuses ne lui font aucun cadeau et il faut pouvoir tenir le rythme d'un rendement toujours plus important. Peu à peu, Denise gagne la sympathie de ses collègues, tandis que naissent de sombres rumeurs sur une relation qu'elle entretiendrait avec le patron.
Alors qu'elle voit la boutique de son oncle plier sous la concurrence du Bonheur, Denise gravit les échelons jusqu'à devenir première d'un rayon enfant créé exprès pour elle.


Mon avis : Ah quel bonheur de relire ce superbe classique! Je dois avouer que j'y ai pris encore plus de plaisir qu'il y a plus de dix ans, lors de ma première lecture. Eh oui, à l'époque, je trouvais ça un peu barbant, les longues pages de descriptions détaillées, les états d'âme de Denise et son refus de céder aux charmes de Mouret.
J'ai toujours pensé que certaines oeuvres ne peuvent être appréciées qu'avec un peu de maturité, tout comme on apprécie ou pas des lectures en fonction de notre état d'esprit ou de l'envie du moment. Le roman de Zola entre dans la première catégorie, selon moi. Je l'ai lu lentement, savouré, même, goûtant au plaisir des mots choisis par l'auteur, aux comparaisons criantes de vérité, aux métaphores tour à tour poétiques, sensibles ou violentes. Et c'est magique : on plonge littéralement au milieu des tissus, des dentelles, entre les rayons grâce au pouvoir du détail dans les descriptions. Zola devient un guide, dans un univers qu'il a entièrement recréé, mais qu'il nous laisse toutefois le soin d'imaginer.
Ce roman dégage une force incroyable, le magasin est un monstre, un monstre qui ravage tout sur son passage, qui engloutit une à une les rues de Paris, auquel personne ne peut résister. C'est le progrès en marche, avec ses avantages, ses limites et ses excès. Et pourtant, je suis comme Denise, malgré les dégâts et les sacrifices qu'engendrent les idées ambitieuses de Mouret, je ne vois pas comment il pourrait en être autrement. La société avance, le magasin en est l'image. Les dommages collatéraux, finalement, ce n'est rien de plus que ce qui est nécessaire.
J'ai été particulièrement sensible à la contradiction menée tout au long de l'oeuvre sur le thème des femmes : un magasin fait pour elles, où elles règnent et qui pourtant les exploite, les asservit, les manipule et provoque leur perte, à l'image de Mme Marty, véritable droguée des achats compulsifs, ou de Mme de Boves, réduite à voler pour satisfaire son besoin de possession.

J'ai lu ce roman avec mon bagage culturel de prof, mais pas seulement. J'ai essayé de retrouver mes impressions de lecture en tant qu'étudiante, en me demandant comment faire pour que ce roman plaise à mes élèves. Je voudrais leur montrer "le poème de l'activité moderne", je voudrais qu'ils comprennent comment le magasin devient un personnage à part entière, les plonger coeur d'une page d'histoire qui a fait le commerce comme il leur est familier aujourd'hui... mais j'aimerais surtout qu'ils ne soient pas rebutés dès le départ par le "pavé" qu'est ce roman. On croise les doigts, j'en commence l'étude juste avant les vacances!!!!

10 commentaires:

  1. On croise les doigts pour que ça marche! J'adore ce roman, et tu en parles superbement, avec un bel enthousiasme! Ce n'est pas évident de faire aimer des gros pavés comme ceux de Zola à nos jeunes lecteurs, mais quand ça marche, ils ne regrettent pas leur effort généralement! Au fait, le doc que j'ai désespérément cherché à t'envoyer est sur la BDD, c'est un cours sur la peinture qui explique les transformations entre Romantisme et Réalisme!
    Bon, je ne t'en veux pas de ne pas avoir consacré ce billet uniquement à célébrer ma gloire, ne t'en fais pas!

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  2. Un jour, promis, je ferai un billet à la gloire de ma copine de blog!!! rires! Peut-être pour nos un an de blog, à toutes les deux (ça arrive vite, hein, j'espère que la presse people va penser à couvrir l'évènement!)
    Merci pour la référence du doc, j'y jette un oeil dès demain!

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  3. j'ai relu ce roman il y a cinq ans et je m'étais vraiment régalée ! il est vrai qu'un retour aux grands classiques est très vivifiant, pourvu que les élèves soient aussi sous le charme.

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  4. J'ai beaucoup aimé également et je partage ton avis sur le fait qu'il faut une certaine maturité pour apprécier les oeuvres "descriptives". Tu vas le travailler avec quel niveau?

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  5. @ Dolly : oui, pourvu qu'ils le soient. Enfin, je serai contente déjà s'ils apprécient et ne râlent pas sur la tonne de pages!

    @ Tiphanie : avec une classe de seconde, qui ont déjà un bon passé de lecteurs derrière eux (si tout ce qu'ils ont écrit comme "lectures antérieures" sur leur fiche de rentrée est vrai^^) et un bon niveau général.

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  6. je me damnerais pour ce roman tant il me traverse à chauqe fois que je le lis. je ne manque jamais avec des Seconde, et même des 3è de faire une virée Balzac et Zola dans Paris et ne manque ni la verrière du Bon Marché ni la visite au Printemps... la description prend vie. dans la même idée j'adore remonter avec eux le rue neuve sainte geneviève (actuellement rue tournefort dans le 5è), celle de la pension Vauquer de Balzac, livre à la main... on lit, on regarde...
    que de bons souvenirs (certes pas aussi forts que la scène de Romeo et Juliette jouée dans une rue de Vérone...) c'est loin tout ça...

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