samedi 30 janvier 2010

Une Gourmandise, Muriel Barbery

" J'ai tenu l'éternité dans l'écorce de mes mots et demain, je vais mourir. Je vais mourir en quarante-huit heures - à moins que je ne cesse de mourir depuis soixante-huit ans et que je ne daigne le remarque qu'aujourd'hui."
"Oui, la moellesse : ni mollesse, ni moelleux ; le sashimi, poussière de velours aux confins de la soie, emporte un peu des deux et, dans l'alchimie extraordinaire de son essence vaporeuse, conserve une densité laiteuse que les nuages n'ont pas. "
"Pourquoi donc, chez nous, s'obstine-t-on à ne beurrer le pain qu'après qu'il a été toasté? Si les deux entités sont soumises ensembles aux oeillades du feu, c'est parce que, de cette intimité dans la brûlure, elles retirent une complicité sans égale".



Première lecture commune pour moi, faite avec Gio, Une Gourmandise, de Muriel Barbery, est un vrai coup de coeur.
L'histoire : Un critique gastronomique réputé aprrend qu'il va mourir. Sur son lit de mort, il cherche à se souvenir d'une saveur oubliée. Un plat, un arôme, un ingrédient particulier, un alcool, il ne sait pas. Alors il se souvient. On plonge dans les souvenirs de celui qui a tout connu : de son enfance dans la cuisine de sa grand-mère aux restaurants les plus réputés au sommet de son art, le narrateur nous dévoile tout.
Mais il n'est pas le seul : plusieurs narrateurs se succèdent dans ce roman et lui donnent son rythme.
Mon avis : Ayant déjà lu et beaucoup apprécié L'Elegance du hérisson, du même auteur, j'avais hâte de découvrir cet autre roman. Et je n'ai pas été déçue, bien au contraire. Ce roman est une pure merveille, une merveille d'écriture, une merveille pour tous les sens. Une merveilleuse torture pour qui le lit le soir avant de s'endormir : ce roman donne faim, le lecteur est à table avec le narrateur, les effluves des plats évoqués arrivent jusqu'à ses narines, et il s'en faut de peu pour ne pas avoir la sensation de retrouver le goût de tous ces mets dans la bouche. Un véritable éloge de bon vivant d'un narrateur proche de la fin pour tout ce qui a été sa vie. Jusqu'à la révélation finale, ce mets dont il a tant cherché la saveur oubliée.
Je me suis littéralement laissée emportée par la poésie de l'écriture, dès les premières lignes, c'est un vrai régal. Je sens que la métaphore culinaire n'a pas fini d'être employée pour décortiquer cette oeuvre. J'ai définitivement été conquise par le chapitre ayant pour titre "Le cru". Le narrateur y raconte un repas dans un restaurant japonais, de la confection des sushis et autres sashimis devant lui, à l'explosion des saveurs dans sa bouche. Irrésistible et parfait. J'en suis restée béate d'admiration.
En parallèle de ces parenthèses culinaires, les autres chapitres nous dévoilent une tout autre facette de notre narrateur principal. On connaissait le gastronome, voici l'ami, le père de famille, le mari. Et on découvre un tyran, dépourvu d'affection envers ses enfants, et infidèle. Ces chapitres ont-ils pour but de nous faire détester ce protagoniste qui a su si bien enchanter nos sens? Je ne crois pas. Ils sont trop peu développés pour que cela puisse être le cas. Peut-être servent-ils simplement à nous montrer toute la complexité du personnage, ou encore toute la difficulté qu'il y a à être un génie dans un art que l'on maîtrise, et un être parfait aussi ailleurs. Si ces chapitres montrent du doigt les faiblesses personnelles du narrateur, ils nous font encore plus aimer le gastronome, en peignant un homme passionné, dont le métier est toute la vie.
J'aurais voulu lire ce roman d'une traite, pour pouvoir découvrir quelle est cette saveur qui obsède tant le narrateur. Mais je ne voulais pas non plus le lire en diagonale, car l'écriture est tellement fine et poétique que je me suis surprise parfois à relire certaines phrases, simplement pour le plaisir de savourer leur rythme, leur construction et leurs sonorités.
Un livre à dévorer, donc!
Je file de ce pas découvrir l'avis de Gio, pour savoir si elle a été aussi enchantée que moi. C'est ici, sur Notes de Chevet.

3 commentaires:

  1. Je vois qu'on a le même avis... et c'est vrai qu'on ne peut pas détester le protagoniste malgré les révélations sur sa vie privée... Est-ce que parce que les génies sont forcément pardonnables?

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  2. Bonne question, effectivement!
    Contente qu'on aie le même avis!

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  3. Alors si en plus l'écriture est belle ! Adjugé, vendu ! :))

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